Philippe Kohon politique

Election présidentielle 2025 en Côte d’Ivoire : pourquoi les critiques de l’opposition sur la liste électorale manquent de fondement ( une analyse de Philippe Kouhon)

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À moins de trois mois de l’élection présidentielle d’octobre 2025, la Côte d’Ivoire se trouve dans une phase déterminante de son histoire politique. Après plus d’une décennie de réformes structurelles, de modernisation et de retour sur la scène internationale, le pays aborde ce rendez-vous électoral avec un acquis précieux : la stabilité.


Sous le leadership du président Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire a retrouvé une croissance soutenue, attiré les investisseurs, modernisé ses infrastructures et restauré son image auprès des partenaires internationaux. Les Ivoiriens, dans leur grande majorité, aspirent à préserver ces acquis, loin des convulsions politiques qui ont marqué le passé.

Une opposition en quête de repères depuis 2011

Depuis la perte du pouvoir en 2011, les principaux partis de l’opposition peinent à convaincre. Marquée par le boycott de plusieurs processus électoraux, l’absence au Parlement et dans les institutions clés, et l’appel régulier à la rue comme principal mode d’action, l’opposition ivoirienne n’a pas réussi à reconstruire un discours fédérateur autour d’un projet de société clair.
À l’ère des réseaux sociaux, où la mémoire des gouvernances passées est vive et les archives accessibles, la stratégie de victimisation peine à susciter l’adhésion. D’autant que la gouvernance de l’époque, encore présente dans les esprits, n’avait pas convaincu sur les plans économique, social et institutionnel.

Les revendications de l’opposition : examen au cas par cas

Parmi les conditions posées par les principales forces d’opposition pour participer au scrutin, plusieurs se focalisent sur la liste électorale. Elles exigent notamment l’inscription de quatre figures politiques majeures : Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro. Or, toutes ces radiations ont été opérées conformément à la loi électorale ivoirienne.

1. Laurent Gbagbo

L’ancien président a été radié de la liste électorale à la suite d’une condamnation par la justice ivoirienne à 20 ans de prison pour le braquage de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en 2011, assortie d’une privation de ses droits civiques.
Cette décision est indépendante de son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité. Juridiquement, tant que la condamnation nationale n’est pas levée, son inéligibilité reste en vigueur.

2. Tidjane Thiam

L’ancien ministre du Plan et ex-PDG du Crédit Suisse a été radié en raison de la perte de sa nationalité ivoirienne en 1987 lorsqu’il a opté pour la citoyenneté française. Même s’il a renoncé à cette dernière en 2025, la loi ivoirienne stipule que seuls les électeurs disposant de leur pleine citoyenneté au moment de la révision peuvent être inscrits. La radiation s’inscrit donc dans le strict respect des textes.

3. Charles Blé Goudé

L’ex-leader des Jeunes patriotes, acquitté par la CPI, reste frappé d’une condamnation en Côte d’Ivoire pour des faits liés à la crise post-électorale de 2010-2011. Cette condamnation entraîne la privation de ses droits civiques, ce qui justifie sa radiation.

4. Guillaume Soro

L’ex-Premier ministre et ex-président de l’Assemblée nationale a été condamné par contumace à la prison à perpétuité pour atteinte à la sûreté de l’État, complot et diffusion de fausses nouvelles. Cette peine inclut la perte de ses droits civiques, entraînant de facto son exclusion de la liste électorale.

Ces cas ne relèvent donc pas d’une décision arbitraire, mais bien de l’application stricte des dispositions du code électoral.

Audit et révision de la liste électorale : un processus déjà encadré

L’opposition réclame également un audit indépendant de la liste électorale et une nouvelle révision avant le scrutin. Or, la liste électorale a déjà fait l’objet d’une révision en 2024, prolongée pour maximiser la participation. La version définitive a été publiée en juin 2025 par la Commission électorale indépendante (CEI).
Dans un contexte de calendrier serré, une nouvelle révision serait techniquement difficile et pourrait compromettre la tenue du scrutin dans les délais constitutionnels.

Dialogue inclusif et garanties électorales

Si la demande d’un dialogue politique inclusif est légitime, elle s’inscrit dans un cadre déjà existant : le gouvernement a engagé plusieurs cycles de discussions depuis 2019 avec les partis d’opposition et les organisations de la société civile.
Quant à la transparence et à la paix du scrutin, elles font partie des engagements officiels de la CEI et sont soutenues par la communauté internationale, qui suivra le processus de près.

Le « quatrième mandat » : un faux débat juridique

L’opposition dénonce un « quatrième mandat » du président Ouattara. Or, la Constitution adoptée en 2016 a instauré la Troisième République et remis à zéro le compteur des mandats présidentiels. En conséquence, le mandat entamé en 2020 est juridiquement considéré comme le premier de la Troisième République, et celui qui pourrait débuter en 2025 comme le second. Cette lecture est validée par le Conseil constitutionnel et conforme aux standards constitutionnels internationaux.

Conclusion : pour une opposition constructive

À l’heure où la Côte d’Ivoire consolide sa stabilité et son développement, l’opposition gagnerait à recentrer son action sur un véritable projet de société, à renouer avec la base électorale qu’elle a découragée par des boycotts répétés, et à investir le terrain du débat d’idées plutôt que celui de la contestation systématique.
La démocratie ivoirienne a besoin d’une opposition forte, crédible et innovante, capable de challenger la majorité au bénéfice des citoyens, et non d’entretenir un climat d’instabilité politique. Les Ivoiriens, tout comme la communauté internationale, ne demandent rien d’autre.

Philippe Kouhon

Journaliste et observateur de la vie politique africaine


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